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Les 60 à Cannes 2007
Les 60 à Cannes 2007
23 avril 2007

La lumière au cinéma... par Eva John

Eva vous partage sa vision de la lumière au cinéma...

Eva

La lumière au cinéma, pour moi, c’est...

C’est d’abord celle qui s'éteint soudain dans la salle. Le cinéma n’est-il pas la salle obscure ? Ce sont les yeux qui s’habituent au noir, les loupiotes des sorties de secours et les derniers téléphones portables qu’on s’empresse d’arrêter. A la maison, ce sont les éternelles disputes lors des soirées dvd : laisse-t-on la petite lampe allumée ou non ? Ce sont les frères Lumière, le projectionniste dans sa cabine.

C’est parfois une lanterne qui va me donner envie d’aller voir un film. Ce sont par exemple les premières images d’une bande-annonce, celle des Témoins. C’est un projecteur qui éclaire le personnage solitaire sur la superbe affiche des Lumières du Faubourg.

C’est souvent un bain de soleil dans lequel je plonge et m’oublie - comme je me plonge et m’oublie dans le film. C’est la luminosité intense, colorée et presque irréelle du désert dans la scène d’ouverture de Paris, Texas. C’est aussi celle, plus ocre, du désert de Babel. Ce sont les couleurs enchanteresses et tragiques du décor de Capri à la fin du Mépris. C’est celle qui, comme le vent, balaie les champs autour d’Alvin et de sa tondeuse dans Une histoire vraie. C’est enfin celle qui inonde le corps de Ludivine Sagnier et la transforme en muse au bord de l’eau turquoise dans Swimming pool.

Dans un tout autre genre, c’est aussi celle qui me transporte sous les feux de la rampe : la lumière assumée et poussiéreuse des projecteurs qui illumine les scènes de Cabaret et de Chicago, qui illustre et embellit les musiques de The last Show ou de La Môme.

Surtout, la lumière à l’écran est pour moi synonyme de poésie éternelle. The eternal sunshine of the spotless mind. C’est le rayon de soleil sensuel qui transperce les feuilllages et vient se poser sur la peau satinée de Lady Chatterley. Ce sont les gros plans en numérique sur l’héroïne des Climats, sous le soleil de Turquie, qui éclairent un petit cheveu sur son front ou une perle de sueur sur sa joue. La lumière est aussi triste. Elle est trouble et gênante dans Virgin Suicides, artificielle et froide quand elle se pose sur les Coeurs mélancoliques des personnages d’Alain Resnais.

Mais la lumière n’est pas que jour et soleil. Elle est aussi néon et nuit : lumières du faubourg, de la ville, city lights. Quand je suis à New York, je vois les fenêtres éclairées des buildings des films de Woody Allen. En haut de l’Empire State Building, je me place en face d’un projecteur et me prend pour Deborah Kerr dans Elle et lui.

Comme Laurel va avec Hardy et Harry avec Sally, la lumière ne serait pas grand-chose sans son contraire, l’ombre. C’est ainsi que je conçois le cinéma : un passionnant jeu d'ombres et de lumières. Une technique d’accentuation et de contrastes qui réunit lumière urbaine et ombre des bas-fonds. C’est le Paris noir et blanc des étudiants soixante-huitards dans ''Les amants réguliers'', la lueur du feu des barricades en face des sombres CRS, les rayons de soleil sur les visages de Clotilde Hesme et Louis Garrel dans leur chambre de bonne. La lumière, ce sont donc aussi ces zones obscures dans les films noirs. C’est l’ombre dédoublée de M quand il sort de chez lui et les reflets qui l’entourent dans sa course à travers les rues de la ville.

Finalement, la lumière est aussi cette aveuglante absence de lumière, pour reprendre un titre de Tahar Ben Jelloun. Dans M le Maudit, tout débute et s’achève dans l’obscurité, avec des plans sonores sans autre image que celle de l’écran noir. Moments fugaces d’obscurité totale, c’est la forme extrême de sublimation de l’image par la lumière.

Extérieure ou intérieure, naturelle ou artificielle à l’écran, la lumière est finalement aussi indispensable au cinéma qu’elle l’est à la vie. Après qu’on ait goûté à sa projection sur l’écran, arrive toujours le moment du générique, une transition douce amère mais essentielle de l’obscurité vers la réalité du monde extérieur. Car au cinéma, inévitablement, il faut toujours que la lumière se rallume.

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